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Les revenus tirés de Makala

Posted in Uncategorized par junysi sur août 31, 2009

Les revenus tirés du charbon de bois ( Makala ) contribuent à alimenter le conflit dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où des milices et certains segments de l’armée nationale contrôlent la production et le commerce de ce combustible, d’après des sources officielles.

la vente de makala dans un depot à Goma
la vente de makala dans un depot à Goma

« Tous les groupes armés, y compris les FDLR [Forces démocratiques pour la libération du Rwanda], et quelques individus de l’armée régulière sont impliqués dans le trafic de makala [charbon de bois] », a indiqué Emmanuel de Mérode, directeur et chef de site du Parc national de Virunga.

« Le commerce illégal de makala [génère] un chiffre d’affaires de plus de 30 millions de dollars par an. Une grande partie de cet argent va aux groupes armés », a expliqué M. de Mérode.

Le commerce de charbon de bois est courant dans l’est du pays. Sur les routes conduisant à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, on voit souvent passer des camions ou des bicyclettes chargés de sacs de charbon de bois produit dans les fiefs des milices.

Dans le territoire de Rutshuru, les FDLR contrôlent les bûcherons, les charbonniers et les vendeurs de charbon, d’après Salomon (nom de famille occulté), commerçant.

Dans le Nord-Kivu, les commerçants vont chercher leur charbon à Rugari, dans le territoire de Rutshuru, à 35 km au nord de Goma, ou à Burungu et Kitchanga, respectivement à 80 km et 90 km à l’ouest de Goma.

« Les FDLR considèrent que la forêt leur appartient… ils l’ont subdivisée en [secteurs] d’environ cinq kilomètres, que trois ou quatre combattants des FDLR contrôlent nuit et jour lorsqu’ils ne sont pas engagés dans des combats », a dit Salomon.
La coupe de bois contrôlée par les miliciens

Quand elles ne réquisitionnent pas les bûcherons, les FDLR imposent une taxe mensuelle de cinq à 25 dollars par bûcheron.

« Quand on ne peut pas payer les cinq dollars, il vaut mieux rester à la maison [plutôt que] d’aller exploiter le charbon… Les gens ont peur de mourir, car les FDLR n’ont pas de prisons », a expliqué Salomon. « Ces temps-ci, il y a beaucoup de règlements de comptes. Les FDLR tuent ceux qui les trahissent ».

Dans le territoire de Masisi, le charbon de bois est principalement contrôlé par le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). En théorie, le CNDP a cessé d’être un mouvement rebelle lorsque ses combattants ont été intégrés dans l’armée, en janvier dernier. Mais sur le terrain, la réalité est différente.

« Il y a toujours des postes de contrôle et des barrages tenus par des éléments armés se réclamant du CNDP, qui continuent à prélever une taxe de cinq dollars par mois et à exiger de l’argent pour le passage de chaque sac de [charbon de bois] », a dit Bimwa Shebatende, un grossiste.

Les habitants qui n’obéissent pas aux règles du CNDP sont chassés de chez eux.

La situation est similaire dans la province du Nord-Kivu, où les mêmes groupes armés contrôlent le commerce de charbon de bois.

Mathilde Muhindo Mwamini, présidente d’un groupe de femmes, a dénoncé l’exploitation des civils, en particulier les femmes et les enfants, dans le commerce du charbon de bois, ainsi que l’implication des militaires.

« C’est [le commerce du charbon de bois] une des activités des FARDC [l’armée congolaise]. Parfois, ils… utilisent les populations civiles pour couper le bois et faire la braise… mais ensuite, ils font la commercialisation eux-mêmes », a dit Mme Muhindo.

Elle a expliqué qu’auparavant, le charbon de bois était exploité par les FDLR, qui avaient commencé à pratiquer cette activité quand ils étaient réfugiés.
Opérations militaires

Depuis janvier, l’armée congolaise et la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC) mènent des opérations militaires dans l’est du pays contre les FDLR et d’autres groupes armés, afin d’améliorer la sécurité civile et de couper les sources de financement des milices.

Les FDLR, groupe armé fort de 6 000 combattants, sont l’un des principaux facteurs d’instabilité dans les provinces de Kivu depuis l’arrivée dans la région de leurs fondateurs, qui avaient fui le Rwanda suite au génocide de 1994. Aujourd’hui, environ 30 pour cent des membres des FDLR sont congolais.

En juin, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été déplacées dans le Nord-Kivu, et 17 000 dans la province Orientale voisine, d’après le Bureau des Nations-Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

La MONUC affirme que l’opération Kimia II de l’armée a permis de chasser les FDLR et d’autres groupes armés des sites miniers qu’elles occupaient, mais que cela ne les a pas empêchés de continuer à se cacher dans la forêt.

« L’objectif de Kimia II était de réoccuper les principaux sites miniers. [Cela] a été fait et continue de l’être, mais les FDLR et les autres groupes armés ont encore d’autres sources de revenus [à leur disposition] », a indiqué le lieutenant-colonel Jean-Paul Dietrich, porte-parole militaire de la MONUC.

Le prix du trafic

D’après M. de Mérode, près de 92 pour cent du makala produit au Nord-Kivu provient d’arbres abattus dans le parc. Le Parc national est un site du patrimoine mondial qui se distingue par sa chaîne de volcans actifs et la richesse de sa diversité d’habitats abritant des espèces en danger.

Selon lui, à ce jour, 20 pour cent du parc, c’est-à-dire environ 790 000 hectares, ont été détruits par la déforestation illégale et la production du charbon de bois, et au moins 120 gardes forestiers ont été tués par divers groupes armés.

« Pour nous, c’est l’ICCN [l’Institut Congolais pour la conservation de la nature] qui a payé la présence des groupes armés, au prix du sang », a-t-il déclaré. L’ICCN est chargé de la gestion des parcs nationaux de RDC.

Energies renouvelables

L’ICCN soutient l’exploitation de sources d’énergie alternatives telles que les briquettes de biomasse, qui sont fabriquées à partir de feuilles, d’écorce et de pelures de fruit ou d’autres déchets agricoles. Le coût de production est bas car les matières premières sont abondantes, et les briquettes fournissent 70 pour cent d’énergie en plus par rapport au makala.

D’après M. de Mérode, l’Institut distribue des kits de production de briquettes dans le territoire de Rutshuru et dans les camps de déplacés, espérant ainsi réduire les financements des milices, car l’argent gagné sera désormais collecté dans les villages et non dans les forêts où règnent les FDLR.

Cependant, certaines ONG ont exprimé leur inquiétude : « La mise en concurrence du charbon de bois peut avoir des conséquences négatives », a expliqué Laura Miller, de l’ONG Mercy Corps. « Les presses à briquettes pourraient être détruites par les rebelles qui contrôlent le commerce du charbon, et des habitants pourraient être forcés à produire ou transporter le charbon de bois pour eux ».